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      Violettes DSC02356

     

     

    J'ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline.
    Dans l'âpre escarpement qui sur le flot s'incline,
    Que l'aigle connaît seul et peut seul approcher,
    Paisible, elle croissait aux fentes du rocher.
    L'ombre baignait les flancs du morne promontoire ;
    Je voyais, comme on dresse au lieu d'une victoire
    Un grand arc de triomphe éclatant et vermeil,
    A l'endroit où s'était englouti le soleil,
    La sombre nuit bâtir un porche de nuées.
    Des voiles s'enfuyaient, au loin diminuées ;
    Quelques toits, s'éclairant au fond d'un entonnoir,
    Semblaient craindre de luire et de se laisser voir.
    J'ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée.
    Elle est pâle, et n'a pas de corolle embaumée.
    Sa racine n'a pris sur la crête des monts
    Que l'amère senteur des glauques goémons ;
    Moi, j'ai dit : Pauvre fleur, du haut de cette cime,
    Tu devais t'en aller dans cet immense abîme
    Où l'algue et le nuage et les voiles s'en vont.
    Va mourir sur un cœur, abîme plus profond.
    Fane-toi sur ce sein en qui palpite un monde.
    Le ciel, qui te créa pour t'effeuiller dans l'onde,
    Te fit pour l'océan, je te donne à l'amour. -
    Le vent mêlait les flots ; il ne restait du jour
    Qu'une vague lueur, lentement effacée.
    Oh ! comme j'étais triste au fond de ma pensée
    Tandis que je songeais, et que le gouffre noir
    M'entrait dans l'âme avec tous les frissons du soir !

    Île de Serk, août 1855 Victor Hugo


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       J'aime les mots

     

     

    de Marcelle Gambus

    J'aime les mots 

     

    J'aime les mots de douceur et de rêve,
    les mots en fleurs timides,
    en mousse de velours,
    en sucreries fondantes,
    en chocolats glacés.

    J'aime les mots
    apportés par les vents,
    ceux qui n'ont peur de rien,
    les mots qui fanfaronnent,
    ceux qui prennent au piège,
    tous les mots sans frontière
    qui unissent les gens.

    J'aime les mots
    claquants, assourdissants
    qu'on ne veut pas comprendre
    et que l'on comprend trop,
    les mots qui me réveillentt,
    qui dessillent mes yeux
    qui entr'ouvrent soudain
    ce qui m'avait semblé
    l'intime bastion.


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      DSC03537 bis

    Campagne arthonnaise 

     

    Auprès de mon arbre,
    je vivais heureux
    j'aurais jamais dû m'éloigner d'mon arbre.
    Auprès de mon arbre,
    je vivais heureux
    j'aurais jamais dû le quitter des yeux.

     

    Georges Brassens

     

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      coubet la vague

     La vaue de Gustave Courbet

    QUAND LA MER SE DECHAINE


    Que la mer est belle avec ses blancs moutons !
    Mais soudain, elle se change en mégère impromptue :
    Fantastique et sublime, semblable à mille démons
    Qui fondent sur les maisons et font trembler les nues !



    Dans un ciel assombrit, déchiré par l'éclair,
    Le vent et le tonnerre font plier les grands arbres,
    Ballottant les oiseaux qui cherchent un repaire.
    Neptune et Jupiter, ont réuni leurs armes !


    L'homme seul, au milieu des éléments déchaînés
    Doit lutter pour sa vie et sauver son bateau,
    Face aux furies infernales si déterminées,
    Qui veulent à tout prix : l'emmener au fond des eaux...



    Pauvres marins luttant contre : vague et orages,
    Il vous reste " un ami - un guide sur la terre "
    Debout sur les rochers, tout au bord du rivage,

    Un ange solitaire scintille dans les ténèbres.



    Seul, Stoïque, le gardien de phare - coupé du monde,
    Assume et reste là... pour que les autres vivent !
    Harcelé de milliers de lames qui l'inondent,
    L'encerclent, l'agrippent et meurent en vaines offensives !



    Là où finit la terre, la mer a son royaume !

    Belliqueuse : elle monte jusqu'au toit des maisons
    Elle envahit les quais, et roule sur les chaumes,
    Bousculant sur la digue les curieux de saison.



    Le port avec ses rues sont recouvert d'écume,
    Comme en pleine montagne, on marche dans la neige !

    La mer est mécontente et montre sa rancune,
    Mais les vieux loups de mer, connaissent bien son manège !



    Déesse irascible, elle veut des sacrifices...
    En sortant de son lit, comme une amante cruelle,
    Elle emporte avec elle les meilleurs de nos fils !
     

    Mais qui oserait dire : que la mer n'est pas belle ?...


    Jean-Claude Brinette


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  • Copie de DSC03844 seringat 

    De tous les sens c'est l'odorat qui me frappe le plus.

    Comment l'odeur, le goût, se font-ils parfum? Comment nos nerfs se font-ils nuance, interprètes subtiles, sublimes de ce qui ne se voit pas, ne s'entend pas, ne s'écrit pas avec dess mots?

    L'odeur serait comme une âme, immatrérielle.

    Marcel Hanoun.

     

    Moi j'ajoute qu'il est des parfums de saisons,

     des senteurs  exquises rappelant notre enfance.

    J'en ai plein ma mémoire!

     


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      Arbre gibraye

     Ce magnifique chêne est hélas mort.

     La tempête a eu raison de sa vieille carcasse.

     

    Joachim du Bellay
    (1522-1560)


    SONNET

    Qui a vu quelque fois un grand chêne asséché,
    Qui pour son ornement quelque trophée porte,
    Lever encore au ciel sa vieille tête morte,
    Dont le pied fermement n'est en terre fiché,

    Mais qui dessus le champ plus qu'à demi penché
    Montre ses bras tout nus, et sa racine torte,
    Et sans feuille ombrageux, de son poids se supporte
    Sur un tronc nouailleux en cent lieux ébranché:

    Et bien qu'au premier vent il doive sa ruine,
    Et maint jeune à l'entour ait ferme la racine,
    Du dévot populaire être seul révéré:

    Qui tel chêne a pu voir, qu'il imagine encore
    Comme entre les cités, qui plus florissent ore,
    Ce vieil honneur poudreux est le plus honoré.


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    DSC02474 

    La Nature est un temple où de vivants piliers
    Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
    L’homme y passe à travers des forêts de symboles
    Qui l’observent avec des regards familiers.

    Comme de longs échos qui de loin se confondent
    Dans une ténébreuse et profonde unité,
    Vaste comme la nuit et comme la clarté,
    Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

    Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
    Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
     Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

    Ayant l’expansion des choses infinies,
    Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
    Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

    Charles Beaudelaire


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      mains-toutes-couleurs_8465_w250.jpg

     

     

    Réflexion africaine !         


    Lorsque je nais, je suis noir.
    Lorsque je grandis, je suis noir.
    Lorsque je suis malade, je suis noir.
    Lorsque j'ai froid, je suis noir.
    Lorsque j'ai peur, je suis noir.
    Lorsque je vais au soleil, je suis noir.
    Et lorsque je meurs, je suis et je reste noir.


    Toi, homme blanc :
    Quand tu nais, tu es rose.
    Quand tu grandis, tu es pêche.
     Quand tu es malade, tu es vert.
    Quand tu as froid, tu es bleu.
    Quand tu as peur, tu es blanc.
    Quand tu vas au soleil, tu es rouge.
    Et quand tu meurs, tu es mauve.

    Et tu oses me traiter d'homme de couleur?

     


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  • Harmonie du soir


    Voici venir les temps ou vibrant sur sa tige
    Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir
    Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir
    Valse mélancolique et langoureux vertige

    Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir
    Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige
    Valse mélancolique et langoureux vertige
    Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir

    Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige
    Un coeur tendre qui hait le néant vaste et noir
    Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir
    Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige

    Un coeur tendre qui hait le néant vaste et noir
    Du passé lumineux recueille tout vestige
    Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige
    Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir

    Charles Baudelaire


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  •   DSC04014-bis.jpg

     

    Bel aubépin, fleurissant,
    Verdissant
    Le long de ce beau rivage, Tu es vêtu jusqu'au bas
    Des longs bras
    D'une lambruche sauvage.

    Deux camps de rouges fourmis
    Se sont mis
    En garnison sous ta souche.
    Dans les pertuis de ton tronc
    Tout du long
    Les avettes ont leur couche.

    Le chantre rossignolet
    Nouvelet,
    Courtisant sa bien-aimée,
    Pour ses amours alléger
    Vient loger
    Tous les ans en ta ramée.

    Sur ta cime il fait son nid
    Tout uni
    De mousse et de fine soie,
    Où ses petits écloront,
    Qui seront
    De mes mains la douce proie.

    Or vis gentil aubépin,
    Vis sans fin,
    Vis sans que jamais tonnerre,
    Ou la cognée, ou les vents,
    Ou les temps
    Te puissent ruer par terre.

     

    Pierre de Ronsart

     


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