•  

     

     

    Schulz Adrien 1851 31 cueillette des fleurs en forêt de baAdrien Schulz Cueillette de fleurs

     

    CONSEIL

    Eh bien! mêle ta vie à la verte forêt,
    Escalade la roche aux nobles altitudes.
    Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
    Fuis les regrets amers que ton coeur savourait.

    Dès  l'heure éblouissante où le matin paraît,
    Marche au hasard; gravis les sentiers les plus rudes.
    Va devant toi, baisé par l'air des solitudes,
    Comme une biche en pleurs qu'on effaroucherait.

    Cueille la fleur agreste au bord du précipice,
    Regarde l'antre affreux que le lierre tapisse
    Et le vol des oiseaux dans les chênes touffus.

    Marche et prête l'oreille en tes sauvages courses;
    Car tout le bois frémit, plein de rythmes confus,
    Et la Muse aux beaux yeux chante dans l'eau.

    Théodore  de Banville
    (1823-1891)

     

     

     

     

     


    11 commentaires
  •  

     

    bonne-nuit-les-petits 

     

    L'enfance

    Qu'ils étaient doux ces jours de mon enfance
    Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
    je coulai ma douce existence,
    Sans songer au lendemain.
    Que me servait que tant de connaissances
    A mon esprit vinssent donner l'essor,
    On n'a pas besoin des sciences,
    Lorsque l'on vit dans l'âge d'or !
    Mon cœur encore tendre et novice,
    Ne connaissait pas la noirceur,
    De la vie en cueillant les fleurs,
    Je n'en sentais pas les épines,
    Et mes caresses enfantines
    Étaient pures et sans aigreurs.
    Croyais-je, exempt de toute peine
    Que, dans notre vaste univers,
    Tous les maux sortis des enfers,
    Avaient établi leur domaine ?

    Nous sommes loin de l'heureux temps
    Règne de Saturne et de Rhée,
    Où les vertus, les fléaux des méchants,
    Sur la terre étaient adorées,
    Car dans ces heureuses contrées
    Les hommes étaient des enfants.

    Gérard de Nerval (1822)

     


    13 commentaires
  •  

      DSC01547 bis

    En hiver, moi je me colle à la cheminée.

    La neige, le froid , très peu pour moi!

     Je suis une fille du Sud.

    En hiver

    Le sol trempé se gerce aux froidures premières,
    La neige blanche essaime au loin ses duvets blancs,
    Et met, au bord des toits et des chaumes branlants,
    Des coussinets de laine irisés de lumières.

    Passent dans les champs nus les plaintes coutumières,
    A travers le désert des silences dolents,
    Où de grands corbeaux lourds abattent leurs vols lents
    Et s'en viennent de faim rôder près des chaumières.

    Mais depuis que le ciel de gris s'était couvert,
    Dans la ferme riait une gaieté d'hiver,
    On s'assemblait en rond autour du foyer rouge,

    Et l'amour s'éveillait, le soir, de gars à gouge,
    Au bouillonnement gras et siffleur, du brassin
    Qui grouillait, comme un ventre, en son chaudron d'airain.

     

     

    Emile Verhaeren


    10 commentaires
  • DSC01527 neige

     

    Nuit  de neige

     

     

    La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
    Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
    Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
    Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.

    Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
    L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
    Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
    Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

    La lune est large et pâle et semble se hâter.
    On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
    De son morne regard elle parcourt la terre,
    Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.

    Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
    Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
    Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
    Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

    Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
    Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
    Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
    Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

    Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
    Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
    De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
    Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.

     

     

    Guy de Maupassant (1850-1893)





    12 commentaires
  • goutes-d-eau.jpg

    Rosées

     

     

    Je rêve, et la pâle rosée
    Dans les plaines perle sans bruit,
    Sur le duvet des fleurs posée
    Par la main fraîche de la nuit.

    D'où viennent ces tremblantes gouttes ?
    Il ne pleut pas, le temps est clair ;
    C'est qu'avant de se former, toutes,
    Elles étaient déjà dans l'air.

    D'où viennent mes pleurs ? Toute flamme,
    Ce soir, est douce au fond des cieux ;
    C'est que je les avais dans l'âme
    Avant de les sentir aux yeux.

    On a dans l'âme une tendresse
    Où tremblent toutes les douleurs,
    Et c'est parfois une caresse
    Qui trouble, et fait germer les pleurs

     

    Réné-François SULLY PRUDOHMME


    18 commentaires
  • Le poème qui suit n'est pas de moi, il est de Marielle

    http://marielle-poesie.over-blog.com/

    C'est une gentille mamie, un peu plus âgée que moi,

    mais qui a de gros soucis de santé en ce moment.

    Je ne lui ai pas demandé la permission de me servir.

    Si vous aviez la gentillesse de passer sur son blog pour la réconforter

    elle serait heureuse et elle en a besoin.

     

     

     Douces campagnes

     

    Dans nos campagnes si douces,
    Sous les enclos intimes et feuillus, 
    Les violettes se blottissent au creux des mousses,
    Quand s'estompe le jour et tinte l'angélus.

    Au bord d'une rivière docile,
    Pleure un vieux saule penché.
    Les saisons s'écoulent ...les années,
     Sous un bonheur caché et tranquille.

    Tout au long des paisibles ruisseaux,
    Des chemins creux comme au temps féodaux,
    En nos terroirs flâne la mélancolie,
    Pour garder en nos coeurs, toutes les rêveries.

    Et la plume de "Sand" sous la lampe feutrée,
    Berce les paysages dans la brise mouillée.
    J'aime ce coin de Terre où j'ai ouvert les yeux,
      Où pauvres mais heureux, ont vécus mes aïeux ! 
     
                                                                   Marielle



     


    16 commentaires
  •  

      Homme et son chien

    Homme et son chien dans le bois de Ch Ligny  (1812-1889)

     

    Automne



    A pas lents et suivis du chien de la maison
    Nous refaisons la route à présent trop connue.
    Un pâle automne saigne au fond de l'avenue,
    Et des femmes en deuil passent à l'horizon.

    Comme dans un préau d'hospice ou de prison,
    L'air est calme et d'une tristesse contenue ;
    Et chaque feuille d'or tombe, l'heure venue,
    Ainsi qu'un souvenir, lente, sur le gazon.

    Le Silence entre nous marche... Coeurs de mensonges,
    Chacun, las du voyage, et mûr pour d'autres songes,
    Rêve égoïstement de retourner au port.

    Mais les bois ont, ce soir, tant de mélancolie
    Que notre coeur s'émeut à son tour et s'oublie
    A parler du passé, sous le ciel qui s'endort,

    Doucement, à mi-voix, comme d'un enfant mort...




    Albert SAMAIN


    14 commentaires
  •   DSC02169 bis

     

    L'automne

     


    Voici venu le froid radieux de septembre :
    Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ;
    Mais la maison a l'air sévère, ce matin,
    Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.

    Comme toutes les voix de l'été se sont tues !
    Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?
    Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois
    Que la bise grelotte et que l'eau même a froid.

    Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;
    Elles voudraient aller où les oiseaux s'envolent,
    Mais le vent les reprend et barre leur chemin
    Elles iront mourir sur les étangs demain.

    Le silence est léger et calme ; par minute
    Le vent passe au travers comme un joueur de flûte,
    Et puis tout redevient encor silencieux,
    Et l'Amour qui jouait sous la bonté des cieux

    S'en revient pour chauffer devant le feu qui flambe
    Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,
    Et la vieille maison qu'il va transfigurer
    Tressaille et s'attendrit de le sentir entrer...

      

    Anna de Noailles

     


    18 commentaires
  •   Beaudelaire, tu chériras la mer!

    vague 9765

    Photo prise sur le net

     Tu chériras la mer

    Homme libre, toujours, tu chériras la mer !
    La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
    Dans le déroulement infini de sa lame,
    Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.

    Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
    Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
    Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
    Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

    Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
    Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes,
    O mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
    Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

    Et cependant voilà des siècles innombrables
    Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
    Tellement vous aimez le carnage et la mort,
    O lutteurs éternels, ô frères implacables !

    Charles Baudelaire


    16 commentaires
  •  

    On les a fait Venir!

     

    Je suis le chat de cimetière,
    De terrain vague et de gouttière,
    De haute-Egypte et du ruisseau
    Je suis venu de saut en saut.

    Je suis le chat qui se prélasse
    A l'instant où le soleil passe,
    Dans vos jardins et dans vos cours
    Sans avoir patte de velours.

    Je suis le chat de l'infortune,
    Le trublion du clair de lune
    Qui vous réveille dans la nuit
    Au beau milieu de vos ennuis.

    Je suis le chat des maléfices
    Condamné par le Saint-Office;
    J'évoque la superstition
    Qui cause vos malédictions.

    Je suis le chat qui déambule
    Dans vos couloirs de vestibules,
    Et qui fait ses petits besoins
    Sous la porte cochère du coin.

    Je suis le félin bas de gamme,
    La bonne action des vieilles dames
    Qui me prodiguent le ron-ron
    Sans souci du qu'en dira-t-on.

    Epargnez moi par vos prières
    Le châtiment de la fourrière
    Où finissent vos émigrés
    Sans demeure et sans pedigree.


    Henri Monnier


    10 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique