•   gif chat noir 13

     

    Le petit chat

    C'est un petit chat noir, effronté comme un page.
    Je le laisse jouer sur ma table, souvent.
    Quelquefois il s'assied sans faire de tapage;
    On dirait un joli presse-papier vivant.

    Rien de lui, pas un poil de sa toison ne bouge.
    Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
    A ces matous, tirant leur langue de drap rouge,
    Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

    Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,
    Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
    Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique
    Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

    Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
    Le frôle; puis, à coups de langue très petits,
    Il le lampe; et dès lors il est à son affaire;
    Et l'on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.

    Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
    Et ne relève enfin son joli museau plat
    Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose
    Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

    Alors, il se pourlèche un moment les moustaches,
    Avec l'air étonné d'avoir déjà fini;
    Et, comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,
    Il relustre avec soin son pelage terni.

    Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates;
    Il les ferme à-demi, parfois, en reniflant,
    Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
    Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.

    Mais le voilà qui sort de cette nonchalance,
    Et, faisant le gros dos, il a l'air d'un manchon;
    Alors pour l'intriguer un peu, je lui balance,
    Au bout d'une ficelle invisible un bouchon.

    Il fuit en galopant et la mine effrayée,
    Puis revient au bouchon, le regarde, et d'abord
    Tient suspendue en l'air sa patte repliée,
    Puis l'abat, et saisit le bouchon et le mord.

    Je tire la ficelle, alors, sans qu'il le voie;
    Et le bouchon s'éloigne, et le chat noir le suit,
    Faisant des ronds avec sa patte qu'il envoie,
    Puis saute de côté, puis revient, puis refuit.

    Mais dès que je lui dis: "Il faut que je travaille;
    Venez vous asseoir là, sans faire le méchant!"
    Il s'assied ... Et j'entends, pendant que j'écrivaille,
    Le petit bruit mouillé qu'il fait en se léchant.


    Edmond Rostand


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    Le chartier embourbé

     

     

    Le phaéton d'une voiture à foin
    Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin
    De tout humain secours : c'était à la campagne,
    Près d'un certain canton de la basse Bretagne,
              Appelé Quimper-Corentin.
              On sait assez que le destin
    Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage:
              Dieu nous préserve du voyage!
    Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux,
    Le voilà qui déteste et jure de son mieux,l
              Pestant, en sa fureur extrême,
    Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,
              Contre son char, contre lui-même.
    Il invoque à la fin le dieu dont les travaux
              Sont si célèbres dans le monde :
    « Hercule, lui dit-il, aide-moi. Si ton dos
              A porté la machine ronde,
              Ton bras peut me tirer d'ici. »
    Sa prière étant faite, il entend dans la nue
              Une voix qui lui parle ainsi:
              « Hercule veut qu'on se remue;
    Puis il aide les gens. Regarde d'où provient
              L'achoppement qui te retient;
              Ote d'autour de chaque roue
    Ce malheureux mortier, cette maudite boue
              Qui jusqu'à l'essieu les enduit; .
    Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit;
    Comble-moi cette ornière. As-tu fait? - Oui, dit l'homme.
    - Or bien je vas t'aider, dit la voix. Prends ton fouet.
    - Je l'ai pris. Qu'est ceci? mon char marche à souhait:
    Hercule en soit loué! » Lors la voix: « Tu vois comme
    Tes chevaux aisément se sont tirés de là.
              Aide-toi, le Ciel t'aidera. »

     

    Jean de la Fontaine


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  •   quatre-saisons-darcimboldo-portraits-fleurs-f-L-7

     

    Les quatre saisons d'Arcimboldo

    VOICI DES FLEURS, des FRUITS, des FEUILLES et des BRANCHES Verlaine - chanté par Serge LAMA


    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches,
    et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous,
    ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches,
    et qu’à vos yeux si beaux, l’humble présent soit doux.

    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    la gare Montparnasse,ô, vous souvenez-vous,
    votre cœur était pur, votre robe était blanche,
    votre amour était clair,votre corps était doux.

    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    et voici l’escalier des premiers rendez-vous,
    et mon baiser soudain sur votre peau si blanche,
    vous si calme déjà, et moi déjà si fou.
    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    et puis voici ce train qui me fait comme un trou
    et puis voici sa main entre vos deux mains
    blanches
    et voici son baiser qui hante votre cou.

    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    et puis voici ce train qui s’éloigne sans nous,
    je vous crie : « au secours », mais ma voix est si blanche
    et vous me laissez seul au milieu du mois d’août.
    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    et puis voici la pluie qui coule dans mon cou
    ô, ne l’essuyez pas avec vos deux mains blanches
    et laissez-moi souffrir mon chemin jusqu’au bout,
    jusqu’au bout, jusqu’au bout.


     


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  •   liberte1

     

    Delacroix, la liberté guidant le peuple, 28 juillet 1830

     

    Liberté

    Prenez du soleil
    Dans le creux des mains,
    Un peu de soleil
    Et partez au loin !

    Partez dans le vent,
    Suivez votre rêve;
    Partez à l'instant,
    la jeunesse est brève !

    Il est des chemins
    Inconnus des hommes,
    Il est des chemins
    Si aériens !

    Ne regrettez pas
    Ce que vous quittez.
    Regardez, là-bas,
    L'horizon briller.

    Loin, toujours plus loin,
    Partez en chantant !
    Le monde appartient
    A ceux qui n'ont rien.

    Maurice Careme
    1899-1978

     
     
     
     
     
     

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  •                                                                   313321134

    José Tapiró y Baró 1836-1913 peintre , Africain

     

    Paroles d’Afrique 

     

    Si tu possèdes de grandes richesses

    Et si tu ne fais pas de don,

    Et que tu n’offres rien aux enfants de tes frères,

    Si un mendiant vient à toi,

    Et que tu le renvoies les mains vides,

    Quand tu deviendras vieux et que tu mourras,

    A ce moment là,

    Ta mort sera semblable à celle d’une souris de ta maison,

    Et la nouvelle de ta mort ne dépassera pas le seuil de ta porte,

    Car comme la vulgaire mouche, comme elle,  tu es sans poids.

                                 Texte recueilli dans "Carnets de Sagesse"


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    Bella

     

     

    Bien sûr, il faut un maître, et je suis caressante,

    Aux rayons du matin, je viens pour t’émouvoir,

    En habit de velours, ton regard peut me voir,

    M’étirant alanguie à l’aube évanescente. 

     

    Quand je dors étendue, heureuse, attendrissante,

    Tu viens me contempler, je peux t’apercevoir.

    Etalant sur ton cœur mon charme et mon pouvoir,

    Ma vie auprès de toi s’écoule, éblouissante. 

     

    Sur mon pelage doux, aguichant et soyeux,

    Ta main frôle mon corps, met l’éclat dans mes yeux,

    Je deviens ton objet, ta plus tendre peluche. 

     

    Rebelle, je m’échappe et pourtant je suis là,

    M’enroule sur ta jambe ou tes genoux me juche,

    En nous brille l’amour quand tu dis : ‘‘ Ma Bella "!

     

    Dominique Simonet.

     

     Vous connaissez maintenant bien Dominique Simonet,

    je vous ai présenté plusieurs de ses poèmes.

     Celui-ci, il  l'a écrit pour un de ses amis et il a été primé en Vendée.


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  • J'écris pour que le jour où je ne serai plus


    J'écris pour que le jour où je ne serai plus
    On sache comme l'air et le plaisir m'ont plu,
    Et que mon livre porte à la foule future
    Comme j'aimais la vie et l'heureuse Nature.

    Attentive aux travaux des champs et des maisons,
    J'ai marqué chaque jour la forme des saisons,
    Parce que l'eau, la terre et la montante flamme
    En nul endroit ne sont si belles qu'en mon âme!

    J'ai dit ce que j'ai vu et ce que j'ai senti,
    D'un coeur pour qui le vrai ne fût point trop hardi,
    Et j'ai eu cette ardeur, par l'amour intimée,
    Pour être, aprés la mort, parfois encore aimée,

    Et qu'un jeune homme alors, lisant ce que j'écris,
    Sentant pour moi son coeur ému, troublé, surpris,
    Ayant tout oublié des épouses réelles,
    M'accueille dans son âme et me préfère à elles...

    Anna de Noailles


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  • Cette personne

    Cette personne a dit des méchancetés : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .





    Alors j’ai été révolté. Et j’ai été me promener près des champs où les petits brins d’herbes ne sont pas méchants, avec ma chienne et mon chien couchants. Là, j’ai vu des choses qui jamais n’ont dit aucune méchanceté, et de petits oiseaux innocents et gais. Je me disais, en voyant au-dessus des haies s’agiter les tiges tendres des ronciers : ces feuilles sont bonnes. Pourquoi y a-t-il des gens mauvais ? Mais je sentais une grande joie dans ce calme que tant ne connaissent pas, et une grande douceur se faisait en moi. Je pensais : oiseaux, soyez mes amis. Petites herbes, soyez mes amies. Soyez mes amies, petites fourmis. Et là-bas, sur un champ en pente, auprès d’une prairie belle et luisante, je voyais, près de ses bœufs, un paysan qui paraissait glisser dans l’ombre claire du soir qui descendait comme une prière sur mon cœur calmé et sur la terre.
    Francis Jammes 1897

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  • DSC01547 feu bisMon plaisir:
    Un feu dans la cheminée,
    un fauteuil et un chat (ou deux) sur les genoux!!
    Quelle belle poésie nous a faite Jacques Dellie !!!

    Le coin du feu, Jacques Dellile




    Suis-je seul ? je me plais encore au coin du feu.

    De nourrir mon brasier mes mains se font un jeu ;

    J'agace mes tisons ; mon adroit artifice

    Reconstruit de mon feu le savant édifice.

    J'éloigne, je rapproche, et du hêtre brûlant

    Je corrige le feu trop rapide ou trop lent.

    Chaque fois que j'ai pris mes pincettes fidèles,

    Partent en pétillant des milliers d'étincelles :

    J'aime à voir s'envoler leurs légers bataillons.

    Que m'importent du
    Nord les fougueux tourbillons ?

    La neige, les frimas qu'un froid piquant resserre,

    En vain sifflent dans l'air, en vain battent la terre,

    Quel plaisir, entouré d'un double paravent,

    D'écouter la tempête et d'insulter au vent !

    Qu'il est doux, à l'abri du toit qui me protège,

    De voir à gros flocons s'amonceler la neige !

    Leur vue à mon foyer prête un nouvel appas :

    L'homme se plaît à voir les maux qu'il ne sent pas.

    Mon cœur devient-il triste et ma tête pesante ?

    Eh bien, pour ranimer ma gaîté languissante,

    La fève de Moka, la feuille de Canton,

    Vont verser leur nectar dans l'émail du Japon.

    Dans l'airain échauffé déjà l'onde frissonne :

    Bientôt le thé doré jaunit l'eau qui bouillonne,

    Ou des grains du Levant je goûte le parfum.

    Point d'ennuyeux causeur, de témoin importun :

    Lui seul, de ma maison exacte sentinelle,

    Mon chien, ami constant et compagnon fidèle,

    Prend à mes pieds sa part de la douce chaleur.


    Jacques Dellile


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