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    Soleil couchant

    Les ajoncs éclatants, parure du granit,
    Dorent l'âpre sommet que le couchant allume;
    Au loin, brillante encor par sa barre d'écume,
    La mer sans fin commence où la terre finit.

     

    A mes pieds, c'est la nuit, le silence. Le nid
    Se tait, l'homme est rentré sous le chaume qui fume;
    Seul, l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
    A la vaste rumeur de l'Ocean s'unit.

     

    Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes,
    Des landes, des ravins, montent des voix lointaines
    De pâtres attardés ramenant le bétail.

     

    L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre,
    Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,
    Ferme les branches d'or de son rouge éventail.

     

    José-María de Heredia

     


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    L'âge de la mer , de Pierre Ménanteau

     

    La mer ressemble aux vieilles gens
    Qui se répètent très souvent.

    C'est surtout dans les mois d'été
    Qu'elle se met à rabâcher.

    Elle dit l'heure de la plage,
    Elle dit l'heure du bronzage,

    Elle dit: je monte, je baisse,
    Elle parle, parle sans cesse

    Et fait de l'écume en parlant,
    Et malgré tout on s'émerveille

    Qu'elle soit jeune en étant si vieille:
    Ses rides lui viennent du vent.

     

     

       Pierre Ménanteau1895 1992


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    La Famille .

     

    La mère fait du tricot
    Le fils fait la guerre
    Elle trouve ça tout naturel la mère
    Et le père qu'est-ce qu'il fait le père?
    Il fait des affaires
    Sa femme fait du tricot
    Son fils la guerre
    Lui des affaires
    Il trouve ça tout naturel le père
    Et le fils
    Qu'est-ce qu'il trouve le fils?
    Il ne trouve absolument rien le fils
    Le fils sa mère fait du tricot son père des affaires lui la guerre
    Quand il aura fini la guerre
    Il fera des affaires avec son père
    La guerre continue la mère continue elle tricote
    Le père continue il fait des affaires
    Le fils est tué il ne continue plus
    Le père et la mère vont au cimetière
    Ils trouvent ça naturel le père et la mère
    La vie continue la vie avec le tricot
    la guerre les affaires
    Les affaires la guerre le tricot la guerre
    Les affaires les affaires et les affaires
    La vie avec le cimetière.

     

    Jacques Prévert(1900-1977)


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    Le petit chat

    C'est un petit chat noir, effronté comme un page.
    Je le laisse jouer sur ma table, souvent.
    Quelquefois il s'assied sans faire de tapage;
    On dirait un joli presse-papier vivant.

    Rien de lui, pas un poil de sa toison ne bouge.
    Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
    A ces matous, tirant leur langue de drap rouge,
    Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

    Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,
    Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
    Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique
    Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

    Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
    Le frôle; puis, à coups de langue très petits,
    Il le lampe; et dès lors il est à son affaire;
    Et l'on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.

    Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
    Et ne relève enfin son joli museau plat
    Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose
    Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

    Alors, il se pourlèche un moment les moustaches,
    Avec l'air étonné d'avoir déjà fini;
    Et, comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,
    Il relustre avec soin son pelage terni.

    Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates;
    Il les ferme à-demi, parfois, en reniflant,
    Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
    Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.

    Mais le voilà qui sort de cette nonchalance,
    Et, faisant le gros dos, il a l'air d'un manchon;
    Alors pour l'intriguer un peu, je lui balance,
    Au bout d'une ficelle invisible un bouchon.

    Il fuit en galopant et la mine effrayée,
    Puis revient au bouchon, le regarde, et d'abord
    Tient suspendue en l'air sa patte repliée,
    Puis l'abat, et saisit le bouchon et le mord.

    Je tire la ficelle, alors, sans qu'il le voie;
    Et le bouchon s'éloigne, et le chat noir le suit,
    Faisant des ronds avec sa patte qu'il envoie,
    Puis saute de côté, puis revient, puis refuit.

    Mais dès que je lui dis: "Il faut que je travaille;
    Venez vous asseoir là, sans faire le méchant!"
    Il s'assied ... Et j'entends, pendant que j'écrivaille,
    Le petit bruit mouillé qu'il fait en se léchant.


    Edmond Rostand


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    Le chartier embourbé

     

     

    Le phaéton d'une voiture à foin
    Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin
    De tout humain secours : c'était à la campagne,
    Près d'un certain canton de la basse Bretagne,
              Appelé Quimper-Corentin.
              On sait assez que le destin
    Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage:
              Dieu nous préserve du voyage!
    Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux,
    Le voilà qui déteste et jure de son mieux,l
              Pestant, en sa fureur extrême,
    Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,
              Contre son char, contre lui-même.
    Il invoque à la fin le dieu dont les travaux
              Sont si célèbres dans le monde :
    « Hercule, lui dit-il, aide-moi. Si ton dos
              A porté la machine ronde,
              Ton bras peut me tirer d'ici. »
    Sa prière étant faite, il entend dans la nue
              Une voix qui lui parle ainsi:
              « Hercule veut qu'on se remue;
    Puis il aide les gens. Regarde d'où provient
              L'achoppement qui te retient;
              Ote d'autour de chaque roue
    Ce malheureux mortier, cette maudite boue
              Qui jusqu'à l'essieu les enduit; .
    Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit;
    Comble-moi cette ornière. As-tu fait? - Oui, dit l'homme.
    - Or bien je vas t'aider, dit la voix. Prends ton fouet.
    - Je l'ai pris. Qu'est ceci? mon char marche à souhait:
    Hercule en soit loué! » Lors la voix: « Tu vois comme
    Tes chevaux aisément se sont tirés de là.
              Aide-toi, le Ciel t'aidera. »

     

    Jean de la Fontaine


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    Les quatre saisons d'Arcimboldo

    VOICI DES FLEURS, des FRUITS, des FEUILLES et des BRANCHES Verlaine - chanté par Serge LAMA


    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches,
    et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous,
    ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches,
    et qu’à vos yeux si beaux, l’humble présent soit doux.

    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    la gare Montparnasse,ô, vous souvenez-vous,
    votre cœur était pur, votre robe était blanche,
    votre amour était clair,votre corps était doux.

    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    et voici l’escalier des premiers rendez-vous,
    et mon baiser soudain sur votre peau si blanche,
    vous si calme déjà, et moi déjà si fou.
    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    et puis voici ce train qui me fait comme un trou
    et puis voici sa main entre vos deux mains
    blanches
    et voici son baiser qui hante votre cou.

    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    et puis voici ce train qui s’éloigne sans nous,
    je vous crie : « au secours », mais ma voix est si blanche
    et vous me laissez seul au milieu du mois d’août.
    Voici des fleurs, des fruits
    des feuilles et des branches
    et puis voici la pluie qui coule dans mon cou
    ô, ne l’essuyez pas avec vos deux mains blanches
    et laissez-moi souffrir mon chemin jusqu’au bout,
    jusqu’au bout, jusqu’au bout.


     


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  •   liberte1

     

    Delacroix, la liberté guidant le peuple, 28 juillet 1830

     

    Liberté

    Prenez du soleil
    Dans le creux des mains,
    Un peu de soleil
    Et partez au loin !

    Partez dans le vent,
    Suivez votre rêve;
    Partez à l'instant,
    la jeunesse est brève !

    Il est des chemins
    Inconnus des hommes,
    Il est des chemins
    Si aériens !

    Ne regrettez pas
    Ce que vous quittez.
    Regardez, là-bas,
    L'horizon briller.

    Loin, toujours plus loin,
    Partez en chantant !
    Le monde appartient
    A ceux qui n'ont rien.

    Maurice Careme
    1899-1978

     
     
     
     
     
     

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  •                                                                   313321134

    José Tapiró y Baró 1836-1913 peintre , Africain

     

    Paroles d’Afrique 

     

    Si tu possèdes de grandes richesses

    Et si tu ne fais pas de don,

    Et que tu n’offres rien aux enfants de tes frères,

    Si un mendiant vient à toi,

    Et que tu le renvoies les mains vides,

    Quand tu deviendras vieux et que tu mourras,

    A ce moment là,

    Ta mort sera semblable à celle d’une souris de ta maison,

    Et la nouvelle de ta mort ne dépassera pas le seuil de ta porte,

    Car comme la vulgaire mouche, comme elle,  tu es sans poids.

                                 Texte recueilli dans "Carnets de Sagesse"


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    Bella

     

     

    Bien sûr, il faut un maître, et je suis caressante,

    Aux rayons du matin, je viens pour t’émouvoir,

    En habit de velours, ton regard peut me voir,

    M’étirant alanguie à l’aube évanescente. 

     

    Quand je dors étendue, heureuse, attendrissante,

    Tu viens me contempler, je peux t’apercevoir.

    Etalant sur ton cœur mon charme et mon pouvoir,

    Ma vie auprès de toi s’écoule, éblouissante. 

     

    Sur mon pelage doux, aguichant et soyeux,

    Ta main frôle mon corps, met l’éclat dans mes yeux,

    Je deviens ton objet, ta plus tendre peluche. 

     

    Rebelle, je m’échappe et pourtant je suis là,

    M’enroule sur ta jambe ou tes genoux me juche,

    En nous brille l’amour quand tu dis : ‘‘ Ma Bella "!

     

    Dominique Simonet.

     

     Vous connaissez maintenant bien Dominique Simonet,

    je vous ai présenté plusieurs de ses poèmes.

     Celui-ci, il  l'a écrit pour un de ses amis et il a été primé en Vendée.


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