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    Le mois d'août

     

    Ô mes frères, voici le beau temps des vacances !
    Le mois d'août, appelé par dix mois d'espérances !
    De bien loin votre aîné ; je ne puis oublier
    Août et ses jeux riants ; alors, pauvre écolier,
    Je veux voir mon pays, notre petit domaine ;
    Et toujours le mois d'août au logis nous ramène,
    Tant un coeur qui nourrit un regret insensé,
    Un coeur tendre s'abuse et vit dans le passé !
    Voici le beau mois d'août : en courses, camarades !
    La chasse le matin, et le soir les baignades !
    Vraiment, pour une année, à peine nos parents
    Nous ont-ils reconnus : vous si forts et si grands,
    Moi courbé, moi pensif - Ô changements contraires !
    La jeunesse vous cherche, elle me fuit, mes frères ;
    Gaîment vous dépensez vos jours sans les compter,
    Econome du temps je voudrais l'arrêter. -
    Mais aux pierres du quai déjà la mer est haute :
    Toi, mon plus jeune frère, allons ! gagnons la côte ;
    En chemin par les blés tu liras tes leçons,
    Ou bien tu cueilleras des mûres aux buissons.
    Hâtons-nous ! le soleil nous brûle sur ces roches ! -
    Ne sens-tu pas d'ici les vagues toutes proches ?
    Et la mer ! l'entends-tu ? Vois-tu tous ces pêcheurs ?
    N'entends-tu pas les cris et les bras des nageurs ?
    Ah ! rendez-moi la mer et les bruits du rivage :
    C'est là que s'éveilla mon enfance sauvage ;
    Dans ces flots, orageux comme mon avenir,
    Se reflètent ma vie et tout mon souvenir !
    La mer ! J'aime la mer mugissante et houleuse,
    Ou, comme en un bassin une liqueur huileuse,
    La mer calme et d'argent ! Sur ses flancs écumeux
    Quel plaisir de descendre et de bondir comme eux,
    Ou, mollement bercé, retenant son haleine,
    De céder comme une algue au flux qui vous entraîne !
    Alors on ne voit plus que l'onde et que les cieux,
    Les nuages dorés passant silencieux,
    Et les oiseaux de mer, tous allongeant la tête
    Et jetant un cri sourd en signe de tempête...
    Ô mer, dans ton repos, dans tes bruits, dans ton air,
    Comme un amant, je t'aime ! et te salue, ô mer !

     

    Auguste Brizeux  1803-1858

     

     

     


     


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    Ma soeur la Pluie

     

    Ma soeur la Pluie,
    La belle et tiède pluie d'été,
    Doucement vole, doucement fuit,
    A travers les airs mouillés.

    Tout son collier de blanches perles
    Dans le ciel bleu s'est délié.
    Chantez les merles,
    Dansez les pies !
    Parmi les branches qu'elle plie,
    Dansez les fleurs, chantez les nids
    Tout ce qui vient du ciel est béni.

    De ma bouche elle approche
    Ses lèvres humides de fraises des bois ;
    Rit, et me touche,
    Partout à la fois,
    De ses milliers de petits doigts.

    Sur des tapis de fleurs sonores,
    De l'aurore jusqu'au soir,
    Et du soir jusqu'à l'aurore,
    Elle pleut et pleut encore,
    Autant qu'elle peut pleuvoir.

    Puis, vient le soleil qui essuie,
    De ses cheveux d'or,
    Les pieds de la Pluie.

     

    • Charles Van Lerberghe   (1861-1907)

     

     Et vous qu'en pensez-vous en ce moment?

     

     

     


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    Entre deux vers
    D'un long poème
    D'un poème fort ennuyeux
    La cédille aux yeux de verveine
    qui nattait ses jolis cheveux
    rencontra l'accent circonflexe
    Curieuse quoiqu'un peu perplexe
    Sans moi vous l'eussiez deviné
    Elle lui dit pour commencer
    Quel bizarre chapeau que le vôtre
    Seriez-vous par hasard gendarme ou polytechnicien
    Et que faites-vous donc sur le front des apôtres
    Est-ce vous la colombe ou la fumée du train
    Je suis je suis gentille cédille
    Le S escamoté des mots de l'autrefois
    C'est à l'hostellerie qu'on emmenait les filles
    Le S a disparu me voici sur le toit
    Et toi que fais-tu cédille
    A traîner derrière les garçons
    Sont-ce là d'honnêtes façons
    N'es-tu point de bonne famille
    Accent bel accent circonflexe
    Voilà toute ma vérité
    Je t'aime et pour te le prouver
    Je fais un S avec un C

    Jean-Pierre Rosnay

     

    Jean-Pierre Rosnay, né en 1926 à Lyon et mort le 19 décembre 2009 à Paris, est un poète et écrivain français du XXème  siècle. Poursuivant sans relâche un combat pour rendre la poésie contagieuse et inévitable, son nom est devenu indissociable du Club des poètes et du rituel « Bonsoir, amis, bonsoir! » par lequel débutaient ses émissions de poésie à la radio et la télévision.

     

    Il est issu d'un milieu populaire (son père Gabriel était contremaître à l'usine Berliet, il découvre la poésie par un oncle qui lui fait lire les classiques. Engagé très jeune dans la Résistance armée contre les nazis, il en garde des blessures irréparables et un profond sens de la révolte. Fonde après guerre le mouvement des Jeunes Auteurs Réunis, à travers lequel il publie ses premiers recueils de poèmes. 

     Sources wikipédia.


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    Lezard

    photo Wikipédia

    Le lézard

    À Berthel.

    Avec une jeune veuve,
    Tendre encor, j'en ai la preuve,
    Parlant breton et français
    En causant de mille choses,
    Par la bruyère aux fleurs roses,
    Tout en causant je passais.

    C'était en juin, la chaleur était grande
    Sur le sentier qui partage la lande,
    Au beau soleil se chauffait un lézard ;
    Et dans ses tours, ses détours, le folâtre
    Faisait briller son dos lisse et verdâtre
    Et secouait la fourche de son dard.

    Mais hélas ! à notre approche,
    Le petit fou vers sa roche
    Fuit, et pour le rappeler,
    Pour rappeler ce farouche,
    Sur un air des bois ma bouche
    Longtemps s'épuise à siffler.

    Ô mes amis, ne plaignez pas ma peine !
    Car sur mon bras cette amoureuse Hélène
    Tenait posé son bras flexible et rond ;
    Et par instants une mèche égarée,
    De ses cheveux une mèche cendrée
    Avec douceur venait toucher mon front.

    Certe, à lézard et vipère
    Tout siffleur vendrait, j'espère,
    À ce prix-là ses chansons,
    Sans trouver l'heure trop lente,
    Ni la chaleur trop brûlante,
    Ni trop maigres les buissons.

    Donc croyez-moi, dans cette heureuse pose,
    Sous le soleil et jusqu'à la nuit close
    J'aurais sifflé fort gaiement ; mais voilà,
    Mes bons amis, voilà que le vicaire,
    Vêtu de noir et disant son rosaire,
    Pour mon malheur vient à passer par là :

    " Coeurs damnés ! musique infâme !
    " Holà ! holà ! jeune femme,
    " Si vous craignez par hasard
    " Le purgatoire où l'on grille,
    " Quittez ce siffleur de fille,
    " Ce beau siffleur de lézard ! "

     

    Auguste Brizeux (1803-1858)

     


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     Adorable ce bébé phoque, non?

    Il doit bien avoir les mêmes sentiments qu'un bébé humain!

     

     

    L’enfant née depuis peu

     


    Elle pense.

    Si sévères et si grandes

    Ces personnes qui regardent

    Et leurs figures dressées

    Comme de hautes montagnes.

    Suis-je un lac, une rivière,

    Suis-je un miroir enchanté ?

    Pourquoi me regardent-ils ?

    Je n'ai rien à leur donner.

    Qu'ils s'en aillent, qu’ils s'en aillent

    Au pays de leurs yeux froids,

    Au pays de leurs sourcils

    Qui ne savent rien de moi.

    J'ai encore fort affaire

    Dessous mes closes paupières.

    Il me faut prendre congé

    De couleurs à oublier

    De millions de lumières

    Et de plus d'obscurité

    Qui sont de l'autre côté.

    Il me faut mettre de l'ordre

    Parmi toutes ces étoiles

    Que je vais abandonner.

    Au fond d'un sommeil sans bornes,

    Il me faut me dépêcher.

     


    Jules SUPERVIELLE


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    Mon Sissou, on ne peut plus curieux que lui! 

     

    Les chats

     

     

    Les amoureux fervents et les savants austères
    Aiment également, dans leur mûre saison,
    Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
    Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires,

    Amis de la science et de la volupté,
    Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
    L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
    S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

    Ils prennent en songeant les nobles attitudes
    Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
    Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;
    Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques
    Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin
    Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques

    Baudelaire

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      gallien laloue eugène bord de rivière

      Tableau de Eugène Gallien Laloue , bord de rivière

     

    Tout est lumière, tout est joie.

    L'araignée au pied diligent

    Attache aux tulipes de soie

    Les rondes dentelles d'argent.

    La frissonnante libellule

    Mire les globes de ses yeux

    Dans l'étang splendide où pullule

    Tout un monde mystérieux.

    La rose semble, rajeunie,

    S'accoupler au bouton vermeil

    L'oiseau chante plein d'harmonie

    Dans les rameaux pleins de soleil.

    Victor Hugo 


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  •   Caumette

     

    Pierre Caumette

     

     

     

    Dans l'eau de la claire fontaine
    Elle se baignait toute nue.
    Une saute de vent soudaine
    Jeta ses habits dans les nues.

    En détresse, elle me fit signe,
    Pour la vêtir, d'aller chercher
    Des monceaux de feuilles de vigne,
    Fleurs de lis ou fleurs d'oranger.

    Avec des pétales de roses,
    Un bout de corsage lui fit.
    La belle n'était pas bien grosse
    Une seule rose a suffit.

    Avec le pampre de la vigne,
    Un bout de cotillon lui fit,
    Mais la belle était si petite
    Qu'une seule feuille a suffi.

    Elle me tendit ses bras, ses lèvres,
    Comme pour me remercier...
    Je les pris avec tant de fièvre
    Qu'ell' fut toute déshabillée.

    Le jeu dut plaire à l'ingénue,
    Car, à la fontaine souvent,
    Ell' s'alla baigner toute nue
    En priant Dieu qu'il fit du vent,
    Qu'il fit du vent...

     

                                             Georges Brassens


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  •   Sous les bois...

      Sergey Balabushkin

     

      Tableau de Sergey Balabushkin

     

     

     

    Sous les bois, où tout bruit s'émousse,

    Le faon craintif joue en rêvant :

    Dans les verts écrins de la mousse,

    Luit le scarabée, or vivant.

    La lune au jour est tiède et pâle

    Comme un joyeux convalescent;

    Tendre, elle ouvre ses yeux d'opale

    D'où la douceur du ciel descend !

    Tout vit et se pose avec grâce,

    Le rayon sur le seuil ouvert,

    L'ombre qui fuit sur l'eau qui passe,

    Le ciel bleu sur le coteau vert !

    La plaine brille, heureuse et pure;

    Le bois jase ; l'herbe fleurit.

    - Homme ! ne crains rien ! la nature

    Sait le grand secret, et sourit.

    Victor Hugo


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      Monet claude

     

     

     

    Au printemps

     

    Regardez les branches

    Comme elles sont blanches !

    Il neige des fleurs.

    Riant dans la pluie,

    Le soleil essuie

    Les saules en pleurs

    Et le ciel reflète,

    Dans la violette

    Ses pures couleurs...

    La mouche ouvre l'aile

    Et la demoiselle

    Aux prunelles d'or,

    Au corset de guêpe

    Dépliant son crêpe,

    A repris l'essor.

    L'eau gaîment babille,

    Le goujon frétille

    Un printemps encore !

     

    Théophile Gautier


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