• Arrivée à Gouraya

    Un passage de mon livre sur Gouraya
    Arrivée à Gouraya

     

    20 avril 1946, nous arrivons à Gouraya. Enfin je peux dire « nous ». Car j’y suis, cette fois ! Mon premier déménagement, pensez donc ! En parlant de déménagement, on peut dire qu’ils en ont fait nos parents : pas plus de trois à quatre ans par brigade, à tel point que les meubles n’ont pas résisté à tout ce trimballement. Il en est resté une bonne partie en Algérie, à notre retour en France, déjà pour alléger le transport et ensuite à cause de la dégradation.
    Bou-Medfa n’était pas si loin que ça de Gouraya, nous n’y sommes retournés qu’une fois, et cette fois je m’en souviens bien, car je ne comprenais pas qu’il pouvait y avoir des étrangers vivant dans notre maison, c’est-à-dire le nouveau chef de gendarmerie
    .

    Quand je dis enfin ! Cela veut dire que c’est dans ce village que nous avons accumulé le plus de souvenirs, mon frère, ma sœur et moi. D’une part, du fait que nous étions plus âgés, d’autre part parce que ce village nous a en quelque sorte envoûtés.
    C’était le paradis sur terre. Fermez les yeux et imaginez-vous sur une plage au bord de la mer Méditerranée. Un ciel bleu, très bleu, sans un nuage, un sable moins fin que sur les plages de l’océan Atlantique, c’est indéniable - conséquences des marées - mais avec toutes sortes de coquillages et des galets chauds et des rochers avec des algues fines et odorantes. Un littoral très escarpé avec des criques merveilleuses. Un petit port typique des années 50, pas encore souillé par les galettes de mazout, avec des barques de pêcheurs.
    Un ponton, sorte de promontoire plat s’avançant dans la mer et servant plus de plongeoir aux baigneurs que de débarcadère pour les petits bateaux. Un petit village avec des maisons toutes blanches, cerné par des collines verdoyantes formant une sorte d’amphithéâtre avec des gradins vers des hauteurs de plus en plus sauvages.
    Une petite église et un borj encadré par deux écoles, aussi blancs que les habitations. Une grande allée de palmiers montant vers un ancien fort, la gendarmerie. Et les habitants de cet Eden, parlant une langue cosmopolite, où l’accent chantant résonne encore à nos oreilles.

    J’avais quatre ans quand nous avons rejoint cet endroit idyllique, Arlette six, Jean Claude dix  et Pierrot seize. J’étais arrivée à un âge où l’on commence à bien se souvenir des événements.
    J’allais entrer à l’école, dans la petite classe, pendant que mon frère et ma sœur iraient dans la grande classe et notre frère aîné, lui, travaillerait à la grande boulangerie Guilhem.
    Et nous y avons séjourné six années. C’est une preuve que nos parents s’y sentaient bien. Je suis persuadée que si nous n’avions pas été en âge d’entrer au collège, ils y seraient restés plus longtemps. De plus, il n’y avait aucun avenir pour Pierrot et Jean-Claude.

     


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