• Le Sirocco à Constantine

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     Le Simoun d'Eugène Fromentin

     

    Texte écrit par mon amie Marie-Jeanne sur une journée de sirocco à Constantine . Marie-Jeanne avait passé un mois de vacances dans mon village de Gouraya en Algérie, nous avions alors 5 ans.

     

     

    Le sirocco, le simoun .

    Ce vent brûlant , terriblement sec et très chaud , est un des souvenirs prégnant de mon enfance et adolescence .

    Le sirocco , le simoun .

    Ce vent embusqué qu 'aucun frémissement ne laisse prévoir .

    Le sirocco m 'a surprise , un jour d' été , alors que j 'empruntais le boulevard Bir-Hakeim .

    Longer ce boulevard , à l 'heure caniculaire de midi était , déjà en soi, une épreuve et des myriades de points brillants dansaient devant mes yeux .

    Aucun arbre , aucune ombre .

    Le goudron de l' asphalte se cloquait . Il collait à mes semelles .

    Et puis ....soudain,

    dans ce silence écrasant de lumière et de vide ,

    Le sirocco , le simoun .

    Ce vent cuivré du désert s' engouffrait dans la ville .

    Un mugissement meurtrier tandis que l' air se remplissait de poussière et de sable , de criquets pèlerins en horde d' Attila .

    Ajouté à la chaleur , le sirocco en tornade brûlait les poumons , irritait le visage et les yeux .

    Contre l' émeri du simoun , la marche douloureuse et asséchante , était devenue un supplice .

    Un voile opaque d' une teinte rougeâtre brouillait les contours donnant à la cité un air de mirage .

    L' arrivée chez moi , dans la maison aux portes et fenêtres fermées derrière lesquelles pendaient de lourdes tentures de laine , remparts indispensables contre la chaleur et le sable , fut une délivrance .

    Quelques heures après , le sirocco tombait aussi brutalement qu' il s' était élevé .

    Le calme qui suivit ressemblait plus à un étonnement hébété qu 'à un apaisement .

    Mais peu à peu ...rescapés du tsunami de sable , la population se risquait à l' extérieur , incrédule face au silence revenu et à la candeur lumineuse du ciel .

    L' épicier mozabite ressortait sa chaise sur le trottoir , devant son échoppe , afin de s' y installer pour savourer , à longueur de temps , un café sirupeux dans lequel il faisait , inlassablement , tourner une petite cuillère d' argent .

    Le refrain , bien connu , du marchand de vaisselle ambulant :

    " La vaisselle ! La vaisselle! Mes gazelles "

    faisait , une à une , s' ouvrir les fenêtres tandis que le son lourd d' un tambour précédait l' apparition du "boussadia" torse nu , la taille cerclée de peaux de lapins où miroitaient de multiples verroteries .

    Il arrivait , souriant et inquiétant à la fois .

    Des grappes d' enfants , vêtus de gandouras , djellabas ou burnous , coiffés de chéchias ou de chèches , l' escortaient , mus par la curiosité et , néanmoins prêts à s' enfuir au moindre geste effrayant de ce géant noir dont les bracelets de métal , tintant en rythme , accompagnaient une danse sauvage scandée par le martèlement envoûtant du tam-tam .

    Le claquétement des cigognes ,

    le cri strident des martinets ,

     le braiment des ânes

    et le blatérement d' impavides méharis au poil court

     enfin délestés de leur charge par d' actifs portefaix ,

     la longue mélopée du muezzin appelant les fidèles à la prière se mêlaient au parfum du jasmin décuplé par l' approche du soir .

    Dans un foisonnement de lumière , de couleurs et de bruits , la vie quotidienne et pittoresque de ce pays reprenait ses droits nous faisant même douter de la réalité du simoun altruicide dont les champs de blé seuls , lapidés par la nuée dévastatrice des criquets , attesteraient , pour un temps , l' authenticité .

     

    Marie-Jeanne.

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 15 Octobre 2012 à 13:51
    Josiane

    Texte tellement vivant que je m'y suis cru!!!!!!!!!

    bizzzz

    2
    Lundi 15 Octobre 2012 à 14:00
    Alice S

    ce texte est très beau, très imagé. J'imagine ce vent, ce sirocco, qui emporte le sable et dépose jusque parfois chez nous une poussière ocre qui colore nos fleurs et nos terrasses (les voitures aussi !)... et oui il vient jusqu'ici  ,le bougre!!!!!!!!!!!!!!

    amitiés

    Alice

    3
    Lundi 15 Octobre 2012 à 23:37
    armide+Pistol

    J'ai conduit un VW sciroco sans vraiment connaître la force et la puissance meurtrière qui est ici décrite, mais surtout le côté fantasque effrayant.

    4
    Jeudi 18 Octobre 2012 à 18:13
    Yvette

    C'est vrai que c'est bien décrit, car elle l'a vécu!

    5
    Jeudi 18 Octobre 2012 à 18:14
    Yvette

    Je ne sais pas dans quelle région tu es, mais nous à Nants dans l'ouest, on en a aussi! Surtout bien visible sur les voitures et suivi d'une petite pluie, pour couronner le tout

    6
    Jeudi 18 Octobre 2012 à 18:22
    Yvette

    Moi je n'ai pas connu de tels phénomènes, le vent chaud soufflait avec du sable mais nous étions sur le littoral et c'était moins important. Ma mère en parlait souvent de ce Sirocco!

    7
    Jeudi 18 Octobre 2012 à 20:26
    Alice S

    je vis sur les bords de la méditerranée dans l'Aude, les nuages amènent donc du sable aspiré quand le sirocco souffle sur l'Algérie et il tombe alors sur nous une pluie mêlée de sable ocre...

    8
    Dimanche 21 Octobre 2012 à 17:29
    Yvette

    Tu vis sur les bords de la grande bleue, tu as de la chance, il y a si longtemps que je ne l'ai vue.

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