• Gouraya, Messelmoun 39/45


       Aujourd'hui , je vous livre un passage de ce que j'ai écrit sur les vint années que mes parents ont passées en Algérie. C'est en recherchant Gouraya mon cher village sur le Web
     et ne le trouvant pas que j'ai décidé de chercher les communes environnantes.
     Et le nom de "Messelmoun" m'est venu à l'esprit.
     "Messelmoun" pour moi, enfant, n'était qu'un lieu-dit mais après tout si je tentais une recherche de ce côté...
     et j'ai été dirigé vers un site "gouraya .org" qui m'a ouvert toutes les portes de mon village.
    J'avais entendu parler de fait de guerre (39/45) dans cette région
    mais cela ne m'était pas resté en mémoire.
    Donc je vous laisse lire....
    Peut-être un peu long mais intéressant et un peu comique à certains passages!


    39/45 et Messelmoun

     

    Emportée par ma passion pour ce village, par la capacité de ma mémoire à  ralentir le temps et parfois à l’accélérer outrageusement, je crains d’être passée rapidement sur la période de guerre des années 39/45. Je n’avais que trois ans en 1945. Donc ce que j’en relaterai ne sera que par ouï dire ou à partir de recherches.


    Ce qu'il reste de la ferme Sidgès à Messelmoun

     

    En 1939, à la déclaration de guerre, nos parents habitaient à Sidi-Aïch. Pierrot avait neuf ans et  Jean-Claude trois.

    « En Algérie, comme en Métropole, la mobilisation se fait sans heurt. La plupart des troupes stationnées dans la colonie sont transférées en Métropole pour se battre sur le front. Dès le déclenchement des hostilités, après ceux de la première guerre mondiale, de nouveaux cimetières surgissent avec leurs morts Chrétiens et Musulmans »

    « 3 Juillet 1940  Mers el-Kébir. 1380 morts. Après la débâcle de 40, confrontation entre marines française et britannique.  Les Britanniques ne souhaitant pas que la flotte française ne tombe aux mains de l’ennemi, la détruisent après un bref ultimatum. Durablement l’Algérie sera anglophobe. »

    « L’Algérie manque assez vite de certains produits. Pour la population musulmane la situation est pire encore, d’autant plus que nombre de travailleurs, partis en France avant la guerre, rentrent chez eux sans trouver de travail. Mauvaises récoltes… typhus… Des tensions se font jour (Zéralda). »

    « Opération Torch : le 8 novembre 1942, les troupes anglaises et américaines débarquent au Maroc et en Algérie. Seuls les comploteurs sont au courant ».

    Nos parents avaient eu le temps de déménager deux fois. De Sidi-Aïch, ils étaient passés par Lafayette où est née Arlette et à Bou-Medfa où je suis née.

     « L’Algérie connaît d’immenses difficultés, c’est la disette… le mécontentement est grand face au déploiement de richesses et de matériel des Américains. Les Européens d’Algérie conçoivent un sentiment de supériorité à l’égard de la France qui s’avère incapable d’agir ».

    « 8 mai 1845 Sétif fête la victoire comme les autres mais cela termine en carnage »  , comme je l’ai déjà raconté.

     

    Retournons à Messelmoun. Je l’ai dit plus haut : c’est ce nom qui m’a permis de retrouver Gouraya et les Gourayens. Donc je n’y reviendrai pas, cependant parmi les photos d’Algérie prises par nos parents, il y en avait une sur laquelle figurait une ferme, la ferme Sidgès à Messelmoun, le jour d’une commémoration, je pense en 1947 ou 48, je ne serais pas catégorique.

    Nous y étions mes parents, ma sœur et moi, mais quel âge avions-nous  Arlette et moi? Nous étions très jeunes.  Il y avait beaucoup de personnalités invitées. Et des petits fours à profusion. Je le répète nous n’étions pas gourmandes Arlette et moi, mais voir toutes ces pâtisseries devant nous, cela nous faisait envie. Et notre mère ne voulait pas que nous nous servions, cela ne se faisait pas ! Si nous avons mangé deux gâteaux et encore... je crois bien que c'est tout. Pour nous c'était une corvée. Notre père en tant que représentant de la loi était invité et nous par la même occasion.

    Mais au fait, c’était quoi au juste cette commémoration ? On y arrive. La ferme Sitgès est située entre Messelmoun et Gouraya et avait été surnommée la « ferme des Anglais » à cause de deux tombes d’Anglais probablement enterrés tout près. L’armateur Sitgès était à l’origine de l’arrivée d’Espagnols dans le village de Gouraya. En 1942, cette ferme avait abrité une rencontre ultra secrète, qui consistait en l’étude définitive des derniers détails de l’opération «Torch» en vue du débarquement futur des armées alliées en Algérie contre les forces nazies. Opération présidée par le général américain Clark qui avait regroupé des Anglais, des résistants français et aussi des Américains. Et cette rencontre a eu lieu le 22 octobre 1942 près de Gouraya. Le général était arrivé à bord d’un sous-marin Seraph, à 1h30 du matin dans la nuit du 20 au 21. A cette époque la France était dirigée par le Maréchal Pétain.  La ferme, isolée, appartenait à un ami du lieutenant de réserve Queyrat, avocat à Cherchell et était mise à la disposition des résistants. Pour ne pas éveiller les soupçons de la population, il fallait que les chefs puissent opérer en toute sécurité. Une des fenêtres de la ferme devait être allumée afin que du sous-marin, on puisse voir la ferme. A 1h30, quatre kayaks accostent, accolade, moments émouvants. Tout le monde entre dans la ferme, bateaux compris. Arrivée des autres protagonistes. Discussion vers 8h, puis repas et un peu de repos. Mais vers 16h, alerte : la police a été prévenue, et les gendarmes arrivent. Branle-bas de combat, les personnalités françaises déguerpissent et tout le reste se retrouve à la cave après avoir regroupé et caché tous les papiers et cartes d’état-major. Le général américain n’est pas content, il n’apprécie pas du tout : il ne veut pas descendre, il ne veut pas qu’on l’enferme ! En haut, on simule un banquet avec beaucoup de vin et du désordre, ce qui fut accepté. Et enfin vers 3h, retour vers le sous-marin. Mais problème de hauteur de vagues, deux gros brisants à passer. Il valait mieux avoir des barques, et le général américain qui ne voulait pas qu’on le bouscule, qui avait oublié ses lunettes, qui avait froid, finit par donner l’ordre du départ avec les kayaks, sans pantalon et les papiers stockés dans des sacs suspendus à leur cou. Il fallut s’y prendre à plusieurs fois pour que les quatre embarcations réussissent à passer les brisants, et à 5h l’opération fut terminée avec succès. Il fallut inspecter la plage pour que rien ne fût suspect et on découvrit un pantalon, celui du général Clark ! C’était en 1942 et nous étions à Bou-medfa et je n’avais pas encore six mois.
     Et voilà pour la ferme Sitgès. A l’heure actuelle, cette ferme a été livrée au vandalisme et complètement dégradée. Mais c’est sans compter quelques âmes vaillantes qui ont décidé de réhabiliter ce lieu. Une stèle avait été dressée à l’entrée de la ferme avec une inscription sur une plaque commémorative : « Ici commence la route de la libération de la France, de l’Europe et du monde du joug nazi ». Le site va être réaménagé de façon à le remettre en valeur.

     

     

    Sources 
     La Guerre d’Algérie, de la Conquête à l’Indépendance : 1830-1962 par Pierre Vallaud
    D’après un texte écrit par Georges le Nen qui raconte la rencontre entre Anglais, Américains et résistants français le 22 octobre 1942.
    Et Gouraya.org


  • Commentaires

    1
    Mercredi 18 Novembre 2009 à 09:49
    Merci pour ce retour dans l'histoire d'un pays qui n'a que trop souffert et fait souffrir. gros bisous
    2
    Mercredi 18 Novembre 2009 à 18:00
    Hélas oui! Mais je ne sais pas si ça intéresse encore beaucoup de gens!
    3
    Mercredi 18 Novembre 2009 à 18:30
    Bonsoir Yvette,

    Le récit est pathétique, je mesure l'effort de mémoire qu'il vous a fallu pour le restituer. Un souvenir qui résurgit est toujours émouvant.

    Vos parents ont vécu à Sidi-Aich, la vallée de La Soummam et à La Fayette (actuelle Bougâa) :des lieux communs.
    4
    Mercredi 18 Novembre 2009 à 20:14
    moi si !
    5
    Mercredi 18 Novembre 2009 à 23:44
    Ils ont fait Batna, Sidi-Aïch, Lafayette, Bou-Medfa et Gouraya en 20 ans. Mais ils ont gardé un merveilleux souvenir de ces régions, aucun événement ne les a chassé de ce pays, ils sont partis avant et nous avec, bien entendu, mais nous, nous étions nés là-bas et on nous a arrachés à notr terre. Nos parent ne l'ont pas compris comme ça! 
    6
    Jeudi 19 Novembre 2009 à 06:01
    Je reviens demain lire cet article car là il est trop tard et je dois plus me concentrer pour bien comprendre.
    À demain Yvette.
    7
    Jeudi 19 Novembre 2009 à 08:24

    Chère Yvette,

    Ne soyez pas dure avec les parents, ils n'extériosent jamais leurs sentiments devant les enfants. Ils ont souffert en silence.
    8
    Jeudi 19 Novembre 2009 à 11:55
    Oui ça je le sais et tous les deux! Ma mère aimait les gens et tout ce qui l'environnait, mon père c'était Constantine. Ils avaient fait un beau et long voyage!
    9
    Jeudi 19 Novembre 2009 à 11:59
    Tu reviens quand tu veux, je sais que c'est un peu long mais c'est très intéressant! Nos parents nous en parlaient mais à 8  10 ans cela ne nous passionnait pas. C'est un événement qui n'est pas très connu mais qui a eu une importance capitale pour la suite des événements en 39/45 en Algérie. Mais c'est aussi plaisant à lire enfin je le pense, moi je n'ai fait qu'un résumé!
    10
    Jeudi 19 Novembre 2009 à 21:28
    la guerre est une tragédie, un échec des pays. 
    clem 
    11
    Vendredi 20 Novembre 2009 à 05:13
    C'est intéressant mais il faudrait que j'en lise plus pour comprendre vraiment qu'est-ce que c'était la guerre d'Algérie,les pieds noirs ect.Était-ce en même temps que la deuxième guerre mondiale?
    Est-ce qu'il existe un bon livre qui explique tout Yvette?
    Bonne journée et à bientôt.
    12
    Vendredi 20 Novembre 2009 à 15:14
    Ce serait long à t'expliquer. Je vais sur ton blog!
    13
    Mercredi 9 Février 2011 à 12:49

    Bonjour Arlette,

    tout d'abord merci d'avoir laissé un comm. sur mon blog afin que j'arrive ici, je reviendrai te lire, je vois que ton coeur est quelque part ailleur où tu as vécu, mon coeur lui aussi est ailleurs où je n'ai pas vécu, mais où j'y ai des amis et amies et un pays que j'aime que j'ai connu en 1991 et depuis mon coeur est resté chez ce merveilleux peuple, je dis toujours, je suis Suissesse de naissance, mais Tunisienne de coeur, comme je comprends ce que tu peux ressentir toi qui a vécu ton enfance en Algérie, je reviendrais me promener sur ton blog.

    Amitié, Helene

     

    14
    Jeudi 10 Février 2011 à 11:36

    C'est rigolo , tu m'as appelé Arlette, alors que moi c'est Yvette, et Arlette est le prénom de ma soeur, née en Algérie elle aussi!

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