-
Emile Verhaeren, la pluie
Jour de pluie, winslow Homer (1836-1910) peintre aùméricain
La Pluie
Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris,
Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,
Infiniment, la pluie,
La longue pluie,
La pluie.
Elle s'effile ainsi, depuis hier soir,
Des haillons mous qui pendent,
Au ciel maussade et noir.
Elle s'étire, patiente et lente,
Sur les chemins, depuis hier soir,
Sur les chemins et les venelles,
Continuelle.
Au long des lieues,
Qui vont des champs vers les banlieues,
Par les routes interminablement courbées,
Passent, peinant, suant, fumant,
La longue pluie
Fine et dense, comme la suie.
En un profil d'enterrement,
Les attelages, bâches bombées ;
Dans les ornières régulières
Parallèles si longuement
Qu'elles semblent, la nuit, se joindre au firmament,
L'eau dégoutte, pendant des heures ;
Et les arbres pleurent et les demeures,
Mouillés qu'ils sont de longue pluie,
Tenacement, indéfinie.
Les rivières, à travers leurs digues pourries,
Se dégonflent sur les prairies,
Où flotte au loin du foin noyé ;
Le vent gifle aulnes et noyers ;
Sinistrement, dans l'eau jusqu'à mi-corps,
De grands boeufs noirs beuglent vers les cieux tors ;
Le soir approche, avec ses ombres,
Dont les plaines et les taillis s'encombrent,
Et c'est toujours la pluie
La longue pluie,
La pluie - et ses fils identiques
Et ses ongles systématiques
Tissent le vêtement,
Maille à maille, de dénûment,
Pour les maisons et les enclos
Des villages gris et vieillots :
Linges et chapelets de loques
Qui s'effiloquent,
Au long de bâtons droits ;
Bleus colombiers collés au toit ;
Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre,
Un emplâtre de papier bistre ;
Logis dont les gouttières régulières
Forment des croix sur des pignons de pierre ;
Moulins plantés uniformes et mornes,
Sur leur butte, comme des cornes
Clochers et chapelles voisines,
La pluie,
La longue pluie,
Pendant l'hiver, les assassine.
La pluie,
La longue pluie, avec ses longs fils gris.
Avec ses cheveux d'eau, avec ses rides,
La longue pluie
Des vieux pays,
Éternelle et torpide !
Emile Verhaeren (1855-1916)
-
Commentaires
il pleut depuis hier, c'est gris, frais et triste ! bon il en fallait car tout était sec ....
bonne semaine
Bonsoir Yvette,
Joli poème !
Mais Verhaeren n'aimait pas la pluie. Peut-il faire échange avec moi : chaleur contre pluie.
Eh bien chez nous, là ça va , pas trop chaud, temps idéal, pour nous mais pas pour les vacanciers
Ah oui c'est vrai, mais quand-même il ne faut pas trop ce plaindre, il y a eu des années pires!
J ai regardé ce tableau avec beaucoup d intéréts. Il s agit de soldats américains avec leurs chevaux en train de bivouaquer sous la pluie peut étre sont ils de garde. Leurs tentes, a droite et en face des tentes d indiens? je ne sais pas. Pres d eux des tonneaux, pas de poudre dedans car il y aurait risque d explosion.
Bonne soirée Latil
Très belle description! Je préfère la pluie à la neige, mais il ne faut pas que ça dégénère en inondations!
Ajouter un commentaire
j'adore ce texte, qui pourrait bien s'adapter à notre chère Bretagne. Bonne journée